Sur les photographies qui la représentent, Maliza Kiasuwa sourit. Le plus souvent, il y a derrière elle une toile, mais parfois, ce sont des choses de la vie quotidienne. Par exemple lors d’une visite à des amis dans un quartier populaire de Nairobi. Une voiture est dans un angle de l’image et deux enfants jouent à l’intérieur. Maliza est debout et elle regarde la voiture. Son visage est rayonnant.
Cette impression de tranquillité se reflète dans tout son travail. Elle l’explique avec la même douceur, dans un texte qui accompagne l’actuelle exposition à la galerie Sulger Buel: » Je suis fascinée par les lois naturelles qui régissent les cycles de la vie et le pouvoir de la nature. Mon intérêt pour ces processus de transformation et de régénération vient d’un désir de comprendre le mystère du vieillissement et de la mort comme un processus crucial pour notre existence. « L’exposition s’appelle « Ancestry », et comme son nom l’indique, elle parle de ces ancêtres qui nous accompagnent, de la mort qui n’en est pas une, des mondes comme les eaux des fleuves qui coulent sous un même ciel.
Car c’est bien de cette réconciliation qu’il s’agit, entre les époques du temps et les appartenances aux lieux, entre les couleurs de la terre et celles de la peau. L’artiste kenyane ignore toute forme de conflit. Le monde n’est pas blanc ou noir. Il tient du déplacement permanent. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment un hasard si elle habite cet endroit du monde. « Je vis dans une ferme désaffectée au bord du lac de Naivasha, au cœur de la grande vallée du Rift. C’est un jardin d’Éden africain. La coexistence de ces deux mondes est une source d’inspiration sans fin: mon art reflète à la fois cette beauté sauvage africaine et notre désir du recyclage, de la couture et du raccommodage" poursuit-elle. En somme, deux temporalités, deux expressions de la vie, et le temps par-dessus, qui va d’un bout à l’autre des nuages.
« Ancestry » évoque donc ces juxtapositions. Au départ, Maliza Kiasuwa explique être tombée sur une série de gravures anciennes représentant un couple, avec lequel elle a décidé de jouer. « J’ai africanisé ce bourgeois ventru et sa femme mélancolique. Nos ancêtres ont dû se rencontrer, eux qui ne pouvaient même pas concevoir que leur sang se mêlerait un jour à celui de la féroce reine Zinga du Congo. » Puis l’artiste a posé délicatement sur leurs visages les peintures tribales. Et les ancêtres ont ri, en se voyant. Parce que tous les ancêtres du monde sont bienveillants, sourit-elle. Parce qu’ils portent ainsi une énergie éclectique qui participe à cette réconciliation des mondes. Un couple blanc, un couple noir, vêtus de tissus qui ne sont pas les leurs, mais qui leur vont très bien, dans la vallée du Rift, qui est un berceau d’humanité.
Ces processus de transformation et de régénération ont beaucoup d’avantages. L’humanité se reconstruit dans ce croisement paisible des temps. Maliza Kiasuwa sourit. Le raccommodage fonctionne formidablement. Elle est une jeune femme kenyane, dans cette savane qui est au commencement de tout, une jeune kenyanne d’origine roumaine qui revient sur ses terres. Les ancêtres sourient.